L’odeur de l’essence - Francaise

Après avoir lu la prise de position de l’ONG Mongol Identity sur la chanson « L’odeur de l’essence » du rappeur français Orelsan, j’ai décidé de regarder la vidéo pour voir comment le mot « mongol » était réellement utilisé. En tant que francophone, je savais déjà que le mot « mongol » est souvent utilisé comme une insulte, signifiant un idiot. L’utilisation raciste et capacitiste* de ce mot trouve ses racines dans le colonialisme et l’eugénisme, et Mongol Identity fait un travail considérable pour se réapproprier le mot et nous sensibiliser à l’eugénisme derrière son utilisation péjorative.

Quand j’ai commencé à regarder « L’odeur de l’essence », j’étais frappée par ce qui me semblait être une chanson plutôt progressive avec des commentaires sociaux poignants faits par un artiste désenchanté. Cependant, l’impression d’anti-racisme n’a pas duré longtemps quand j’ai entendu le mot « mongol » couplé à des images problématiques. J’aimerais partager avec vous mon analyse du racisme et du capacitisme que l’on retrouve à plusieurs niveaux dans cette vidéo, mais je dois commencer par un avertissement de contenu car le racisme et le capacitisme mentionnés plus loin peuvent choquer.

Au début de sa chanson, je vois comment le rappeur blanc Orelsan essaie de dénoncer le racisme en condamnant les différents types de racisme qui existent en France. Par exemple, il défend ceux dont la foi est ternie (ce qui implique l’islamophobie) et il critique ceux qui craignent l’invasion par « l’autre » (les migrants) :

“(Regarde) L’incompréhension saisir ceux qui voient leur foi

Dénigrée sans qu’ils aient rien d’mandé

(Regarde) La peur les persuader qu’des étrangers vont v’nir dans

Leurs salons pour les remplacer”

Cependant, plus loin dans la chanson, ces bonnes intentions anti-racistes deviennent dénuées de sens avec son mauvais choix de vocabulaire et d’images qui approfondissent davantage les préjugés raciaux et le capacitisme.

Le rappeur blanc poursuit en parlant des autres problèmes de la société et l’un d’eux est de « donner des armes aux mongols » couplé avec des images de personnes d’origine asiatique et d’un homme noir violemment retenu par des policiers blancs armés.

Orelsan aurait pu vouloir que ce soit un jeu de mots impliquant que les policiers sont les « idiots » armés (avec le sens capacitiste du mot « mongol »), faisant peut-être une vague référence à la violence policière et au mouvement Black Lives Matter. Mais l’image des personnes d’origine asiatique couplée à l’utilisation péjorative du mot « mongol » la rend trop ambigue et risque d’approfondir les préjugés raciaux qui existent déjà chez de nombreux spectateurs. Quelques minutes de lecture des commentaires sur la vidéo YouTube le confirmeront facilement. Même pour moi, quand j’ai entendu pour la première fois « donner des armes aux mongols » avec ces images de la vidéo, le message subliminal que j’ai interprété était que les Noirs et les personnes d’origine asiatique sont dangereux et que seuls les policiers blancs peuvent utiliser les armes de manière sensée pour les pacifier. Peut-être que ce n’était pas le message qu’Orelsan avait l’intention de faire passer; mais cela montre bien que nous ne pouvons pas défier le racisme (la violence policière contre les personnes de couleur) avec plus de racisme et de capacitisme (l’utilisation péjorative du mot « mongol »).

 

Plus loin dans la chanson, Orelsan se plaint alors que nous sommes « entourés de mongols, l’Empire mongol » : un autre prétendu problème dans la société. Mais promeut-il la peur des migrants qui nous envahissent, après l’avoir condamnée au début de la chanson ? Encore une fois, même s’il voulait probablement signifier « entourés d’idiots » et non de personnes d’origine mongole, la représentation des personnes asiatiques dans la vidéo quelques secondes auparavant, et le jeu de mots quand il mentionne l’Empire mongol avec une image de Gengis Khan, envoient des messages contradictoires qui risquent de semer plus de biais implicites chez le spectateur.

 

La dernière utilisation du mot par Orelsan vient avec le jeu de mots suivant :

« l’Empire mongol,

On fait les mongols pour plaire aux mongols,

On va tomber comme les Mongols. »

Insinue-t-il la violence inhérente aux personnes de couleur, comme s’il n’y avait pas d’empires violents dirigés par des colonisateurs blancs français ? Ou s’agit-il d’un avertissement sur la violence qu’il impliquait auparavant avec la violence policière ? L’ambiguïté reste problématique.

Alors qu’Orelsan a très bien pu avoir de bonnes intentions avec les messages de sa chanson, son utilisation péjorative du mot « mongol » couplée à des images de personnes de couleur et d’une statue de Gengis Khan, ne font que renforcer le capacitisme, les personnes considérées comme moins intelligentes (ce qui est enraciné dans l’eugénisme), et le racisme, en particulier la peur de la violence de « l’autre » (les migrants) et les personnes de couleur. Nous ne pouvons pas lutter contre le racisme avec plus de racisme. Il est temps pour Orelsan, et nous tous francophones, de se débarrasser de l’utilisation péjorative du mot « mongol » et de commencer à écouter les gens qui s’identifient réellement comme d’origine mongole.

* Capacitisme : mot qui fait référence à des attitudes sociétales qui dévalorisent et limitent le potentiel des personnes vivant un handicap.

Bio:

Mélina Valdelièvre est une enseignante franco-indienne de couleur vivant en Écosse. Elle a cofondé The Anti-Racist Educator, un collectif d’éducateurs de couleur basé en Écosse, et elle travaille maintenant pour Education Scotland où elle dirige, Building Racial Literacy, un nouveau programme de formation anti-raciste pour les enseignants.

 



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